Atelier aux Archives Nationales : carnets de guerre

Publié le 20 Janvier 2015

Lundi 19 janvier 2015. La classe de 3e du collège Lucie Aubrac est retournée aux Archives Nationales de Pierrefitte pour commencer une nouvelle série d'ateliers autour de la Première Guerre Mondiale. Aujourd'hui, Ludovic Lavigne et la conférencière Stéphanie Colliard ont proposé aux élèves de découvrir les carnets de guerre.

Pour cela, ils ont invité la classe à retourner dans l'exposition "Tous en guerrre" afin de s'attarder cette fois-ci sur les écrits du conflit, des livrets militaires fournis aux soldats lors de leur départ pour le front à la lettre d'un député à sa mère, ému par la dignitité d'une séance d'assemblée ; en passant par le journal d'une gouvernante allemande en France, inquiète des conséquences de la guerre sur sa sécurité; et le récit d'un bombardement des Champs-Elysées par un Parisien, décrivant l'exode de la capitale. Autant de témoignages qui soulignent le caractère "général" de la mobilisation et permettent de comprendre comment les civils ont pu vivre la guerre.

Crédit photographique: Service éducatif des Archives nationales

Crédit photographique: Service éducatif des Archives nationales

Puis la classe est montée dans une des salles du service éducatif : deux grandes tables avec un livret pédadogique et du matériel d'écriture les y attendaient, le tout disposé devant un tableau numérique (TBI), sur lequel les élèves ont pu notamment écrire les noms des différentes nations européennes bélligérantes, ou rappeler ceux des représentants politiques de la Triple-Entente (Raymond Poincaré, le Président de la République Française ; le tsar de Russie Nicolas II; Le roi d'Angleterre George V; le roi des Belges, Albert Ier; et Pierre Ier de Serbie).

Les élèves ont également eu la chance de pouvoir découvrir le contenu d'une malle pédagogique recelant de véritables casques allemands (à pointe) et français (calotte comprise, dans laquelle le soldat pouvait cacher des lettres), des baïonnettes ou encore des cahiers d'entretien de miltrailleuses.

L'atelier a également été l'occasion de battre en brêche l'image d'Epinal du poilu victorieux au profit du témoignage d'hommes découvrant les réalités de la guerre en août 14.

Un aperçu du visuel proposé aux élèves durant l'atelier.

Un aperçu du visuel proposé aux élèves durant l'atelier.

Les élèves ont ainsi pu découvrir (et déchiffrer !) quelques pages tirés de carnets de soldats, évoquant le glissement progressif du conflit : du ton enjoué du départ au front à la désillusion puis au silence engendrés par les horreurs de la guerre (figurées parfois par une ligne de points).

Ainsi préparés, les élèves se sont alors emparés du matériel mis à leur disposition pour créer un petit carnet de 4 pages. Puis, aidés par les éléments de vocabulaire du livret, ils ont été invités à imaginer le récit, à la première personne, d'un soldat écrivant ses pensées, émotions, et souvenirs du jour dans son carnet. Un exercice qui sera terminé en classe de Français les jours suivants.

Documentation et photos: Service éducatif des A.N.Documentation et photos: Service éducatif des A.N.Documentation et photos: Service éducatif des A.N.

Documentation et photos: Service éducatif des A.N.

En voici quelques extraits :

 

Vendredi 4 janvier 1916

20h, journée très rude et abominable dans les boyaux de la bataille de Verdun. Cette journée m’a paru interminable, tout comme les jours précédents durant ce conflit. Cette bataille extrêmement meurtrière prend l’âme de jeunes soldats innocents comme ceux de mes compagnons. Vu  l’ampleur de cette journée, le lieutenant ainsi que l’un des commandants me font exceptionnellement bénéficier de diverses armes telles que des grenades, en plus du lebel et de la baïonnette que j’ai en ma possession. Tout cet armement m’a permis de sauver ma peau. Je ne sais si je dois me plaindre de mes blessures, de la distance qui me sépare de ma femme, de ma fille qui grandit sans père, de la perte de mes amis sous mes yeux, la soif qui me ronge constamment, ou encore me contenter du hasard, dans lequel je vis chaque instant qui me laisse la vie sauve.

21h, mais toujours rien à me mettre sous la dent, même pas une boule ou encore moins du singe. J’ai l’estomac dans les talons mais je reste vaillant.

Certes je suis là, fort, ayant assez d’énergie pour écrire un minimum mais je ne sais si cela durera encore longtemps. Mon barda sur le dos m’affaiblit et m’alourdit fortement. Pris par une sensation de fatigue je me laisse glisser dans un sommeil menacé par les bombes.

Vassila J. et Noura E.  

Elles en parlent : Durant la guerre de 1914-1918, les soldats français reportèrent leurs ressentis, souffrances et vécus sur un support nommé carnet de guerre. Grâce à cette activité, nous avons pu nous rendre compte du quotidien et des dangers courus par chaque soldat. 

 

Jeudi 25 août 14

18h

Aujourd'hui, il y a eu un grand bombardement, les obus éclataient de partout. J'ai échappé de peu à la mort, un obus m'a frôlé.

Je suis seul dans les tranchées, mes camarades se sont enfuis aux premiers tirs.

A environ 16h les bombardements se sont arrêtés. Un silence angoissant domine à présent.

J'étais perdu dans mes pensées, je pensais à ma famille qui me manque énormément, à ma maison, à mon amour Linda...

Tout se bousculait dans ma tête. Le fait d'être éloigné de mes proches me fait vraiment souffrir. En pensant à cela je pleure. C'est la seule chose que je peux faire sans blesser quelqu'un ou quelque chose ici.

...

La nuit est enfin tombée et je regarde les premières étoiles apparaître, à chaque fois que l'une d'elles faisait son apparition, je la considérais comme une partie de mon passé, c'est-à-dire qu'elle racontait un événement de ma vie.

L'une d'elles me rappela le jour où j'ai rencontré Linda, c'était vraiment une journée merveilleuse. Depuis que je l'ai rencontrée, ma vie est plus belle, elle est devenue parfaite. Ma vie était joyeuse jusqu'à la déclaration de la guerre. Ma vie a été bouleversée. A partir de ce moment, je n'ai plus vu la vie en rose mais en noire.

Chaque jour, plusieurs membres de ma section perdent la vie en se faisant tirer dessus, mutilés par un tir d'obus ou de grenade. Peu importe la manière dont ils meurent, ce qui importe est qu'ils laissent leurs proches, leurs enfants et leur femme seuls, sans fils, sans père et sans mari. Ces hommes meurent en héros, courageux et pour leur famille, ainsi que pour leur pays.

 

Jeudi 1er septembre 14

22h45

Aujourd'hui, Je suis victime d'une attaque ennemie. Un des leurs m'a foncé dessus à l’aide d’une baïonnette pour me transpercer le cœur, mais j’ai réussi à esquiver le coup et à m’en sortir avec seulement une coupure assez profonde au bras droit. Mes camarades m’ont emmené très vite à l’hôpital de peur que je meurs en perdant tout mon sang. Le médecin m’a refermé ma plaie et m’a fait un bandage.

Je suis sorti de l’hôpital dans l’après-midi puis je suis vite parti manger. Mon ventre me réclame de la nourriture depuis la veille mais je ne pouvais alors rien lui donner. Manger me fait un bien fou, je mange comme un roi, à présent je suis rassasié.

A 18h15 on vient m’annoncer que je dois aller au front car là-bas on a besoin de renfort, on nous a attaqué en traître.

Je me prépare très rapidement pour venir au secours de mes amis.

...

Lorsque j’arrive au front à l’aide d’une voiture, tout était dévasté. Tout les arbres sont brisés, l’herbe brûlée. Il n’y a aucun signe d’être vivant qui n’ait pas souffert de cette attaque. Je me demande si nous allons pouvoir tenir jusqu’à la fin de l’année.

Tout cela me désespère et me fait perdre tout espoir.

En début de guerre j’avais l’espoir qu’on allait gagner mais après avoir vu tout cela je n’ai plus envie d’y croire.

Les Allemands vont gagner définitivement cette guerre et plus vite qu’ils ne le croient.

Je suis en train d’écrire ces lignes et il y a mon fusil à côté de moi. J’hésite à le prendre et à m’exploser la cervelle. Je pense que c’est la seule solution pour ne pas souffrir de cette guerre.

Celui ou celle qui retrouvera ce carnet, je ne vous souhaite pas de vivre une guerre, c’est tellement horrible !

Adieu monde d’ignorants.

Kristina.R

 

NARBONNE, 2 Août 1914

16h : Nous sommes sur le point de parader. Rongé par la peur et la honte, je salue ma famille peut-être pour la dernière fois de ma vie. A chacun de mes pas mes souvenirs me hantent peu à peu. Une soudaine envie de fuir se fait ressentir. Tout se bouscule dans ma tête ! Je me demande ce que je fais là, où je vais aller. Je me demande où nous mènera cette épopée certainement sanglante.

18h : Me voilà dans le fond de ce train ayant pour seule et unique destination, l’enfer ! Entouré par des brutes qui ne pensent qu’à hurler, se goinfrer et beaucoup fumer. A leurs côtés je me sens tout petit, même minuscule - comme un étranger. C’est sûrement la peur qui m’envahit. Comme seul remède mes souvenir, ma famille. Je ferme les paupières et je vois flotter la splendide figure de mon épouse Cécile.

Ô misère ! qu’aurais-je pu faire d’aussi cher à mon cœur pour pouvoir rien qu’une seule seconde la serrer dans mes bras ? Ô misère qu’aurais-je bien pu faire ?

 

14NOVEMBRE 1914

ENFER ! Voilà tout ce que m’évoque ce nouveau monde. Je suis traumatisé, toutes ces choses horribles ne sont pas pour moi. Des centaines de personnes sont mortes devant mes yeux. Des centaines et des millions d’hommes sont là, entassés, tel un amas de terre tachetée de rouge ! Cela en est trop, je ne peux continuer ainsi. C’est la raison pour la quelle j’ai décidé de mettre fin à mes jours sur le champ. Je décide de quitter mes parents, ma femme ainsi que ma famille.

Je ne souhaite à aucun Homme de vivre cet enfer, celui que j’ai vécu ! Enfin, dans l’espoir que tu puisses un jour me lire, je te souhaite, ma tendre et belle femme, une belle et heureuse vie.

                                  Cira.S

Aller à l'atelier "Chansons de guerre"

(à venir)

 
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